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« Des divers mouvements de la nature et de la grâce »


Jésus-Christ :

« Mon fils, observez avec soin les mouvements de la nature et de la grâce, car, quoique très opposés, la différence en est quelquefois si imperceptible, qu'à peine un homme éclairé dans la vie spirituelle en peut-il faire le discernement. 

La nature attire, elle surprend, elle séduit, et n'a jamais d'autre fin qu'elle-même. La grâce au contraire agit avec simplicité et fuit jusqu'à la moindre apparence du mal ; elle ne tend point de pièges et fait tout pour Dieu seul, en qui elle se repose comme en sa fin.

La nature [...] ne veut point être contrainte, ni vaincue, ni assujettie, ni se soumettre volontairement. La grâce [...] ne désire dominer personne, mais vivre, demeurer, être toujours sous la main de Dieu et, à cause de Dieu, elle est prête à s'abaisser humblement au-dessous de toute créature.

La nature travaille pour son intérêt propre et calcule le bien qu'elle peut retirer des autres. La grâce ne considère point ce qui lui est avantageux, mais ce qui peut être utile à plusieurs.

La nature aime à recevoir les respects et les honneurs. La grâce renvoie fidèlement à Dieu tout honneur et toute gloire.

La nature craint la confusion et le mépris. La grâce se réjouit de souffrir des outrages pour le nom de Jésus.

La nature aime l'oisiveté et le repos du corps. La grâce ne peut être oisive et se fait une joie du travail.

La nature recherche les choses curieuses et belles [...]. La grâce se complaît dans les choses simples et humbles. 

La nature convoite les biens du temps, elle se réjouit du gain terrestre, s'afflige d'une perte [...]. La grâce n'aspire qu'aux biens éternels et ne s'attache point à ceux du temps ; elle ne se trouble d'aucune perte et ne s'offense point des paroles les plus dures, parce qu'elle a mis son trésor et sa joie dans le ciel, où rien ne périt.

La nature est avide et reçoit plus volontiers qu'elle ne donne ; elle aime ce qui lui est propre et particulier. La grâce est généreuse et ne se réserve rien ; elle évite la singularité, se contente de peu et croit qu'il est plus heureux de donner que de recevoir.

La nature se réjouit d'avoir quelque consolation extérieure qui flatte le penchant des sens. La grâce ne cherche de consolation qu'en Dieu seul. 

La nature agit en tout pour le gain et pour son avantage propre ; elle ne sait rien faire gratuitement [...] La grâce ne veut rien de temporel, elle ne demande d'autre récompense que Dieu seul et ne désire des choses du temps, même les plus nécessaires, que ce qui peut lui servir pour acquérir les biens éternels.

La nature se complaît dans le grand nombre des amis et des parents ; elle se glorifie d'un rang élevé, d'une naissance illustre ; elle sourit aux puissants, flatte les riches et applaudit à ceux qui lui ressemblent. La grâce aime ses ennemis mêmes, et ne s'enorgueillit point du nombre de ses amis ; elle ne compte pour rien la noblesse et les ancêtres, à moins qu'ils ne se soient distingués par la vertu ; elle [...] recherche l'homme vrai, fuit le menteur, et ne cesse d'exhorter les bons à s'efforcer de devenir meilleurs, afin de se rendre semblables au Fils de Dieu par leurs vertus.

La nature est prompte à se plaindre de ce qui lui manque et de ce qui la blesse. La grâce supporte avec constance la pauvreté.

La nature rapporte tout à elle-même, combat, discute pour ses intérêts. La grâce ramène tout à Dieu, de qui tout émane originairement; elle ne s'attribue aucun bien, ne présume point d'elle-même [...], ne conteste point, ne préfère point son opinion à celle des autres ; mais elle soumet toutes ses pensées et tous ses sentiments à l'éternelle sagesse et au jugement de Dieu.

Cette grâce est une lumière surnaturelle, un don spécial de Dieu ; c'est proprement le sceau des élus ; c'est le gage du salut éternel. De la terre, où son coeur gisait, elle élève l'homme jusqu'à l'amour des biens célestes ; [...] elle rétablit au-dedans de l'homme l'image de Dieu. »


Imitation de Jésus-Christ, livre III. Extraits.