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« O doux miracle de nos mains vides »


Un des livres les plus beaux et touchants. L'histoire du si humble curé d'Ambricourt, dans le roman « Journal d'un curé de campagne » de Bernanos, écrit en 1936.

Découvert voici des années, après l'avoir vu magnifiquement joué par Maxime d'Aboville, seul sur scène, éclairé seulement par une petite bougie. Assis à un bureau, ou se levant, marchant. Ce fut si émouvant, si saisissant. Une voie grave, des mots qui élèvent l'âme. Les extraits qu'il avait choisis étaient si beaux.
Depuis je l'ai lu tant de fois. Un livre à offrir.

Un jeune prêtre, si humble, tenu pour rien par les habitants de son petit village et de sa paroisse.
Gravement malade, incompris, il meurt seul, jeune.
Inconscient des immenses grâces que Dieu a données à travers lui, peut-être justement grâce à sa faiblesse physique, son humilité, sa bonté persévérante.

Brefs extraits. D'autres viendront.

« Les petites choses n’ont l’air de rien, mais elles donnent la paix. »

« Garder le silence, quel mot étrange ! C'est le silence qui nous garde. »

« L'enfer, Madame, c'est de ne plus aimer. »

Au chevet d'une femme d'un haut milieu tout juste décédée, avec laquelle il avait eu une conversation peu facile la veille, pour essayer de l'apaiser.
« Soyez en paix » lui avais-je dit. Et elle avait reçu cette paix à genoux. Qu’elle la garde à jamais ! C’est moi qui la lui ai donnée. Ô merveille, qu’on puisse ainsi faire présent de ce qu’on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides ! L’espérance qui se mourait dans mon coeur a refleuri dans le sien, l’esprit de prière que j’avais cru perdu sans retour, Dieu le lui a rendu, et qui sait ? en mon nom, peut-être ... Qu’elle garde cela aussi, qu’elle garde tout ! Me voilà dépouillé, Seigneur, comme vous seul savez dépouiller, car rien n’échappe à votre sollicitude effrayante, à votre effrayant amour. J’ai écarté le voile de mousseline, effleuré des doigts le front haut et pur, plein de silence. Et pauvre petit prêtre que je suis, devant cette femme si supérieure à moi hier encore par l’âge, la naissance, la fortune, l’esprit, j’ai compris – oui, j’ai compris ce que c’était la paternité ... »

« La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même. »



« Je donne maladroitement et avec un embarras [...] qui doit déconcerter les gens. Aussi ai-je rarement l'impression de faire plaisir, probablement parce que je le désire trop. On croit que je donne à regret. »

« Son calme me faisait du bien. »
En parlant d'un homme travaillant dans un pré, avant une rencontre peu facile.

« L'aube m'est toujours aussi douce. C'est comme une grâce de Dieu, un sourire. »

« J’ai compris que la jeunesse est bénie - qu’elle est un risque à courir - mais ce risque même est béni. Et par un pressentiment que je n’explique pas, je comprenais aussi, je savais que Dieu ne voulait pas que je mourusse sans connaître quelque chose de ce risque - juste assez, peut-être, pour que mon sacrifice fût total, le moment venu … »

« Vous avez la vocation de l'amitié, observait un jour mon vieux maître le chanoine Durieux. »

« Je suis triste, lui dis-je, parce que Dieu n’est pas aimé. »


Photo : A l'aube cet été, « comme une grâce de Dieu, un sourire. »