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« Car c'est un coeur si doux »


« Ce m'eût été une consolation sans paire, de vous voir toutes en passant ; mais Dieu ne l'ayant pas voulu, je m'arrête à cela ; et cependant, ma très-chère fille, très-volontiers je lis vos lettres et y réponds.

Que Dieu vous regarde avec amour, vous n'avez nul sujet d'en douter [...]

Car c'est un coeur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chétives créatures, pourvu qu'elles reconnussent leur misère ; si gracieux envers les misérables, si bon envers les pénitents ! et qui n'aimerait ce coeur royal paternellement maternel envers-nous?

Vous dites bien, ma très-chère fille, que ces tentations vous arrivent, parce que votre coeur est sans tendreté envers Dieu : car c'est la vérité que si vous aviez de la tendreté, vous auriez de la consolation ; et si vous aviez de la consolation, vous ne seriez plus en peine.

Mais, ma fille, l'amour de Dieu ne consiste point en consolation ni en tendreté : autrement notre Seigneur n'eût pas aimé son père, lorsqu'il était triste jusqu'à la mort, et qu'il criait : Mon père, mon père, pourquoi m'as-tu abandonné ? et c'était lors toutefois qu'il faisait le plus grand acte d'amour qu'il est possible d'imaginer.

En somme, nous voudrions toujours [...] avoir le sentiment de l'amour et la tendreté, et par conséquent la consolation ; et pareillement nous voudrions bien être sans imperfection ; mais, ma très-chère fille, il faut avoir patience d'être de la nature humaine, et non de l'angélique.

Nos imperfections ne nous doivent pas plaire ; [...] mais elles ne nous doivent pas ni étonner, ni ôter le courage ; nous en devons voirement tirer la soumission, humilité et défiance de nous-mêmes ; mais non pas le découragement, ni l'affliction du coeur, ni beaucoup moins la défiance de l'amour de Dieu envers nous [...]

Notre Seigneur vous regarde, et vous regarde avec amour [...]

Et quand [ des pensées contraires ] vous arriveront, ne les regardez point elles-mêmes ; tournez vos yeux de leur iniquité, et redétournez devers Dieu avec une courageuse humilité, pour lui parler de sa bonté ineffable [...]

Priez pour mon âme, ma très-chère fille [...]
Je suis entièrement vôtre en notre Seigneur, qui vive à tout jamais en nos coeurs ! »


Saint François de Sales, Docteur de l'Eglise.

Annecy, 18 février 1618.
Lettre à Soeur de Blonay, maîtresse des novices de la Visitaton de Lyon. Extraits.